« J’en ai ma claque du monde égoïste de l’entreprise. »
De plus en plus de professionnels ne se reconnaissent plus dans un monde du travail tourné vers l’efficience à tout prix. Obtenir toujours plus avec moins de ressources. Au prix de quelle souffrance humaine et dégradation des ressources de notre planète? Et pour quelle finalité? Traînant une impression lancinante de tourner en rond, comme dans une machine à laver, nombreux sont ceux qui remettent désormais en question cet essorage par le travail à but purement lucratif.
Qui se réoriente vers l’économie sociale et solidaire (ESS)?
Selon Prof. Valérie Cohen-Scali du Conservatoire nationale des arts et métiers à Paris, environ 10% des cadres font le grand saut. De manière générale, cette population est plus expérimentée, diplômée et féminine que la moyenne. Marie* était anciennement directrice artistique auprès d’une agence de pub prestigieuse. Ne se retrouvant plus dans les valeurs et les pratiques consuméristes prônées par son employeur, elle a décidé de transposer son expérience marketing auprès d’une coopérative agricole oeuvrant dans le commerce équitable international. Philippe*, lui, a choisi de quitter sa fonction de gestionnaire de fortune dans une grande banque de la place genevoise pour une activité tournée vers l’octroi de microcrédits en Asie et en Afrique.
Un travail qui compte et qui a le vent en poupe
Les entreprises sociales et solidaires représentent désormais un emploi sur dix en Suisse romande. L’Association Après-GE fédère notamment 270 adhérents, dont la Banque alternative suisse, les Jardins de Cocagne, Lausanne roule, les Magasins du Monde, LaRevueDurable ou encore I-informatique.
L’ESS se distingue de l’économie classique par ses valeurs et ses principes :
- Primauté de l’humain sur le capital : le but poursuivi est autre que le seul partage des bénéfices
- Une gouvernance démocratique : « un individu, une voix », peu importe l’apport en capital
- Gestion conforme à certains principes : bénéfices majoritairement réservés pour le développement ou le maintien de l’activité.
Cette branche particulière de notre économie se place dans le contexte plus large de la paix et la prospérité mondiale, tant pour les humains que pour la planète. Dans le cadre de cette ambitieuse perspective de développement durable, l’ONU a fixé 17 objectifs majeurs à atteindre d’ici 2030.
Presque tous les métiers de l’économie classique se retrouvent dans l’ESS avec, toutefois, une part importante liée au secteur sanitaire et social. Reconnue pour sa dynamique de création d’emplois en constante croissance et moins dépendante des aléas conjoncturels, l’ESS est cependant peu homogène. Selon leur taille et les métiers extrêmement variés qui y sont représentés, les associations, coopératives ou encore les fondations auront des comportements très différents en termes de compétences requises, de rémunération ou de stabilité de l’emploi.
Un vaste domaine qui offre nombre d’avantages …
L’économie sociale et solidaire offre la possibilité d’avoir un regard plus positif et responsable sur sa contribution professionnelle au quotidien. Les valeurs telles que la justice, l’équité, le mieux-être des usagers des biens et services fournis, ou encore la préservation de notre environnement naturel sont de plus en plus valorisées dans notre société d’aujourd’hui. Le psychologue social Shalom Schwarz évoquerait l’ethos de dépassement de soi par la bienveillance et un sentiment d’universalité (testez gratuitement vos 19 valeurs universelles ici). La gouvernance démocratique des structures permet aussi l’implication dans la prise de décisions et l’émergence d’innovations directement liées aux besoins sociaux auxquels la structure désire répondre. Enfin, la pression est souvent moindre, ce qui favorise un meilleur équilibre entre sphères privée et professionnelle.
… mais également certains coûts et concessions
Il faut cependant rester lucide. Souvent, les organisations actives dans l’ESS disposent de moins de ressources, pratiquent des méthodes organisationnelles moins actuelles et offrent des salaires plus bas pour un niveau de compétences équivalent dans le secteur privé. Ainsi, il est capital d’ôter ses lunettes roses et de bien pondérer les avantages et les inconvénients que représente une telle reconversion. Avant de tout plaquer pour repartir de zéro, il existe peut-être des mesures moins drastiques pour retrouver du sens dans un travail qui compte. L’essentiel est de bien explorer ses propres besoins et acquérir une bonne compréhension des opportunités et défis de l’ESS. Puis, de développer une véritable stratégie pour maximiser ses chances de trouver une situation meilleure sur la durée. Et c’est là que le soutien d’un conseiller en orientation professionnelle peut être bénéfique pour y voir plus clair.
Kirsten Bourcoud est psychologue du travail et consultante senior. Elle accompagne les personnes dans leurs bilans de carrière et dans leurs stratégies de recherche d’emploi. Lire plus loin
*nom d’emprunt
Sources :